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      /  Chroniques du Temps   /  7 – Vendeurs de temps

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    Illustration Prune Cirelli

    7 – Vendeurs de temps

    Textes : Laurent Cirelli
    Illustrations : Prune Cirelli

    Cette montre, j’y tiens beaucoup : elle me vient de mon grand-père, il me l’a vendue sur son lit de mort.

    Woody ALLEN

    Comme beaucoup, j’ai toutes sortes d’amis… Ce qui est moins courant c’est que j’en compte au moins trois pour qui les montres sont une passion en même temps qu’un gagne-pain.

    Trois amis : trois approches différentes de ce monde en soi qu’est celui de l’achat-vente de garde-temps.

    Je devais avoir vingt ans lorsque j’ai rencontré le premier, il n’était pas encore qui il allait devenir mais portait déjà en lui (et sur lui) les signes d’une inclination caractérisée pour, notamment, les montres provenant d’une manufacture sise à Berne en Suisse. Je me souviens très bien de celle qu’il portait ce jour-là, comme un rêve de gosse : une Rolex Oyster Perpetual Datejust en or bracelet Président… très impressionnante (a fortiori pour le jeune minet que je m’efforçais d’être…)!

    Il y avait aussi chez lui, déjà, ce goût pour l’échange et un insatiable appétit de séduire et convaincre qui trouvèrent un emploi logique dans ce commerce et en font aujourd’hui une sorte de « marathonien » lorsqu’il négocie une pièce : le voyant faire, j’ai souvent eut en effet le sentiment qu’il emportait le marché par ko debout de son « adversaire » ! Il y a du jeu, avant toute chose, dans sa façon d’acheter ou de vendre et chaque Patek, chaque Audemars commercée est comme une grande histoire à raconter ! 

    J’étais encore lycéen quand j’ai connu le deuxième et celui-là paraissait si fantaisiste et dispersé qu’il était difficile d’imaginer la tournure sérieusement monomaniaque que prendrait, plus tard, son existence. Je l’ai perdu de vue quelques années et lorsque je l’ai retrouvé son esprit était tout occupé par le sujet automobile… tellement qu’il connaissait les différents millésimes (jusqu’au numéro des châssis…) d’une célèbre marque née à Stuttgart…! Ce n’est que quelques années plus tard que, se trouvant sans activité professionnelle et ayant croisé la route du coureur de fond portraituré plus haut, il se jeta dans l’horlogerie comme on entre en religion. Aujourd’hui, l’œil est malin, il frise, la main est marchande, elle saisit le garde-temps et l’évalue compulsivement… il ne s’agit plus là d’un jeu mais d’un enjeu et la fébrilité est souvent de mise car il sait, tous les marchands et collectionneurs vous le diront, que la  prochaine pièce est toujours la plus belle…    

    J’ai croisé le troisième dans un de ces innombrables bureaux par lesquels je continue de ne faire que passer, lui déjà caustique moi toujours cynique… nous étions faits pour nous entendre… il s’efforçait à l’époque de monter dans le train innovant du web dont il descendit pour tenter d’autres débuts qui n’eurent pas tellement de fin. Le temps le rattrapant il s’est tourné vers le courtage de la même façon que l’écrivain prétend parfois qu’il ne sait rien faire d’autre… Plus introverti, moins « sociable » que ses deux confrères il est aussi le plus « raisonnable » mais pas le moins perfectionniste. A la différence des deux précédents celui-ci vit avec son temps et l’époque est au e-commerce plus qu’à l’artisanat… on peut donc lui acheter en pleine nuit l’Omega dont on vient juste de rêver !

    Trois vendeurs de temps, trois experts… avec chacun leur manière de voir mais quelque chose qui les rapproche et ne laisse jamais de m’étonner: la place presqu’exclusive qu’occupe, dans leur vie, l’objet de leur passion, le même regard presqu’enfantin qui se porte immanquablement sur le moindre.

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