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      /  Chroniques du Temps   /  5 – L’éternel retour

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    Illustration Prune Cirelli

    5 – L’éternel retour

    Textes : Laurent Cirelli
    Illustrations : Prune Cirelli

    Nous ne profitons guère de notre vie, nous laissons inachevées dans les crépuscules d’été ou les nuits précoces d’hiver les heures où il nous avait semblé qu’eût pu pourtant être enfermé un peu de paix ou de plaisir. Mais ces heures ne sont pas absolument perdues. Quand chantent à leur tour de nouveaux moments de plaisir qui passeraient de même, aussi grêles et linéaires, elles viennent leur apporter le soubassement, la consistance d’une riche orchestration.

    Marcel PROUST

    L’horlogerie d’excellence, comme elle est envisagée aujourd’hui, est le symbole vibrant d’un siècle qui est entré très vite dans le futur mais ne saurait encore se priver de son passé, un temps qui hésite toujours entre un archaïsme technique et un marketing d’évolution: oui… c’est Félix Baumgartner s’élançant aujourd’hui de la stratosphère, en chute libre, avec à son poignet un garde-temps sorti d’une manufacture créée hier… en 1865.

    Ainsi, la montre contemporaine de luxe obéit à une constante: son identité réside dans son histoire et plus celle-ci est prestigieuse plus son présent s’avère fécond et inspiré, noble et progressiste… Panerai, Patek, Rolex, des marques inséparables du « story telling » et de leurs illustres possesseurs comme des évènements auxquels ils se rattachent qu’ils soient historiques ou sportifs.

    Mais le présent de l’horlogerie c’est aussi le futur car la montre est devenue un prodigieux champ des possibles dans lequel s’ébattent découvreurs et défricheurs rivalisant d’ingéniosité pour adapter un savoir-faire « ancestral » à l’exploration de nouveaux matériaux plus avant-gardistes les uns que les autres : ainsi les laitons techniques, la fibre de carbone et la céramique cohabitent avec vis et aiguilles qui sont le « soubassement, la consistance » de cette « riche orchestration » qu’est tout assemblage de précision.

    Miniaturisation, résistance, étanchéité, design, c’est d’une course à la modernité qu’il s’agit… mais la montre doit, avant toute chose, être mécanique pour accéder à la perfection : une contradiction qui prend tout son sens quand on sait que les principes fondamentaux de l’horlogerie ont été posés aux 18ème et 19ème siècles.

    Si le temps va (beaucoup) plus vite aujourd’hui, si l’homme fait la navette entre la Terre et l’Espace comme il se rendait naguère aux Indes, l’heure reste impérieuse et le savoir-faire qui lui est dédié revêt un caractère sacré car c’est bien dans l’inhumaine tentative de retenir ce qui lui échappe que l’homme se surpasse. L’éternel retour…d’Icare à Baumgartner…

    Et c’est bien dans la survivance de pratiques artisanales, dans la répétition de gestes séculaires que l’aiguille continue de tourner tout en se dépassant entraînée qu’elle est par une inépuisable inventivité; pas une accélération mais une progression vers la maîtrise, sinon du temps de la façon de l’approcher.

    C’est comme cela que l’horlogerie contemporaine est grande, quand elle va chercher dans son histoire les fondements de son futur, quand la complexité de son avenir est « humanisée » par son passé et que ses avancées ne font pas reculer sa singularité. C’est comme cela que la montre n’a jamais été autant tournée vers l’éternité.

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