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      /  Chroniques du Temps   /  16 – Le problème ROLEX

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    Illustration Prune Cirelli

    16 – Le problème ROLEX

    Textes : Laurent Cirelli
    Illustrations : Prune Cirelli

    Même si on est un clochard, on peut arriver à mettre mille cinq cents euros de côté. On a le droit de rêver et donc s’acheter une Rolex à mille cinq cents euros.

    Jacques SEGUELA

    Mes plus fidèles lecteurs (en ai-je seulement???!!!) constateront que c’est déjà la deuxième fois que je place un « aphorisme » du grand publicitaire en exergue d’une chronique… et les plus malins n’auront pas manqué de repérer que celui-ci n’est pas sans lien avec un ancien Président de la République qui a justement fait les frais de mon précédent article… : tournais-je en rond comme les aiguilles de mon OYSTER PERPETUAL DATEJUST ?! 

    Que l’on se rassure, je m’intéresse moins aux dérapages verbaux de ces deux personnages ô combien triviaux qu’à leur funeste lien avec le devenir de cette marque qui m’a (tout comme vous n’est-ce pas ?) tant fait rêver.

    Car, à mes yeux (aux vôtres aussi non ?), il y a aujourd’hui (en fait, ça ne date pas d’hier…) un « problème » Rolex et celui-ci est à plusieurs entrées.

    La première réside dans le peu de cas que la marque semble faire de son histoire pourtant si glorieuse et constellée de personnages qui sont autant de héros réels ou fictifs : Haroun Tazieff, Edmund Hillary, Tensing Norgay, Steve Mac Queen, Paul Newman, Severiano Ballesteros… mais aussi James Bond ! Rien que ça…

    Tous ceux-là mériteraient un musée ! Je me souviens avec nostalgie (vous aussi j’en suis certain) des publicités (celle pour la COMEX me faisait particulièrement rêver) mettant en avant les exploits extraordinaires de ces demi-Dieux pour mieux exalter l’esprit de l’OYSTER PERPETUAL 1 et 2, de la MILGAUSS, des SUBMARINER 6538 et 5513 ou encore de de la SEA DWELLER ! Pourquoi alors ne pas faire vivre cette légende qui appartient à tous les amoureux de la vénérable vieille dame de Berne ? Pourquoi ne pas mettre plus en avant le caractère véritablement révolutionnaire et aventurier de la marque plutôt qu’allonger sur papier glacé des figures (tennismen, musiciens…) certes respectables mais sans aucune commune mesure avec celles citées plus haut ?!

    La deuxième est, vous vous en doutez bien amis collectionneurs, dans le « trafic » (le mot n’est pas trop fort) de pièces (vraies et fausses) « de collection » qui finira bien par abimer et dévoyer définitivement la marque à force de manipulations génétiques : cadrans, boîtiers, aiguilles, lunettes, index… tout y passe et subit la loi du marché lequel tel un Moloch demande toujours plus de sensations : ainsi, une lunette (vraie ? fausse ? fausse vraie ou vraie fausse ?) de GMT MASTER 6542 a-t-elle été vendue 11.500 $… ainsi ces manipulations finiront-elles bien par faire ressembler nos garde-temps préférés à des OGM, à des créatures (euh… créations) qui échappent à leurs démiurges et deviennent des mon(s)tres (“Frankenrolex” comme l’a très drôlement écrit il y a quelques années un journaliste spécialisé). Et, paradoxalement, la « maison mère » n’est pas pour rien – loin s’en faut – dans cet état de fait puisqu’en s’attribuant le monopole du SAV et – surtout – en remplaçant systématiquement les pièces d’origine par des neuves elle alimente le fantasme d’un véritable « trésor de guerre » accumulé par elle ainsi que la production « parallèle » et effrénée de pièces « vintage »… sans aucune histoire puisque fabriquées à la chaine. 

    La troisième enfin est la somme des deux premières et demeure dans la politique de la maison Rolex laquelle – faisant fi de son histoire… pour mieux brouiller les pistes ? – a lancé des séries limitées de toutes sortes, puis en a fait évoluer les modèles sans en actualiser le nom mais seulement la référence, les a enfin constamment modernisées technologiquement et cela pour toutes les pièces (cadrans, aiguilles, marquages, typographies…) mélangeant ainsi les cartes et, surtout, ouvrant la boîte de Pandore au « marché » visé plus haut: car lorsque des composants d’une référence sont utilisés sur la suivante puis remplacés au beau milieu d’une série on obtient deux garde-temps de même référence et aux numéros de série consécutifs mais dont les apparences sont différentes… et c’est ainsi que l’on créé un marché de la collection… qui plus est de la rareté et donc une sacré spéculation ! Si l’on y ajoute encore et enfin le fait que les matériaux vivent leur vie et connaissent comme nous autres humains les affres du temps (qui finit par leur donner une patine : on parle alors de cadrans « tropicalisés » notamment) et une généalogie qui font toute la différence (et donc le prix !) on comprend vite l’intérêt qu’ont vu certains (nombreux) de s’ériger en chimistes/réinventeurs du temps qui passe et de la fausse altération pour produire lunettes, cadrans, index, aiguilles etc. sous autant de références que la marque Reine en a imaginées.

    Voilà… chemin (spéculatif et faussé) faisant, c’est tout simplement la fabuleuse révolution technique qu’a toujours constitué cette marque, la résistance extraordinaire de ses garde-temps aux conditions (air, terre, mer !) les plus extrêmes, leur légendaire dessin, les matières fantastiques et leurs mutations (patines ! teintes !) merveilleuses que l’on finit par oublier au profit… du seul profit; et du clochard de Séguéla. 

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