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      /  Chroniques du Temps   /  12 – Marcel DUCHAMP, l’art de la rupture et Richard MILLE

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    Illustration Prune Cirelli

    12 – Marcel DUCHAMP, l’art de la rupture et Richard MILLE

    Textes : Laurent Cirelli
    Illustrations : Prune Cirelli

    La beauté sera convulsive ou ne sera pas.

    André BRETON

    Que le goût soit bon ou mauvais, cela n’a aucune importance car il est toujours bon pour les uns et mauvais pour les autres. Peu importe la qualité, c’est toujours du goût.

    Marcel DUCHAMP

    Il se pourrait bien que l’art soit – entre autres choses – novation. Et il se pourrait aussi que l’art de la rupture doive être considéré comme nécessaire (mais non suffisant) à l’art tout court. 

    Il se pourrait bien également que cette règle vaille pour d’autres domaines que celui de la peinture. Pour l’horlogerie par exemple.

    Quelques (non ?) évènements m’ont tenu – trop longtemps – éloigné de cette rubrique mais l’œil est resté aux aguets et a notamment pu admirer l’exposition « Marcel Duchamp la peinture, même » que le Centre Pompidou a présenté du 24 septembre 2014 au 5 janvier 2015 et consacré aux « débuts » de Marcel Duchamp.

    Admirer. Car il ne s’agissait pas là d’une de ces éternelles grandes rétrospectives que les musées du monde entier « montent » et massifient à outrance, non il s’agissait ici d’expliciter avec force, en la singularisant, la démarche – et quelle démarche – d’un artiste qui a « tout simplement » remis en cause la nature même de l’art telle qu’on l’a pratiqué avant lui… pendant des siècles.

    C’est en effet à travers une centaine d’œuvres peintes rassemblées pour la première fois que la genèse de cette rupture inaugurale apparaît dans toute sa clarté. Car celui qui a fini par conclure que « la peinture à l’huile commence à ressembler à un vieux chapeau » a d’abord hérité de l’histoire d’un art qu’il a pratiqué en étant imprégné de ses mouvements – en particulier celui du Symbolisme avec lequel il partagea la solitude de l’homme sans Dieu – et en s’essayant à la plupart des genres, du paysage au nu, comme autant d’exercices de style qui l’amènent à comprendre qu’il en va du système des Beaux-Arts comme de toute chose établie : ce qui était neuf devient obsolète et ce qui était singulier devient lieu commun… inéluctablement. 

    Dix ans … des années pendant lesquelles Duchamp fait le tour de la question et maîtrise assez les techniques pour s’affronter alors au Postimpressionnisme, au Fauvisme et surtout au Cubisme qu’il finit par… devancer et donc vieillir.

    Car le temps est au cœur de la réflexion que Marcel Duchamp projette sur l’art. Et le voyage dans le Jura qu’il fit en automobile en compagnie de Francis Picabia et Guillaume Apollinaire en octobre 1912 résonne étrangement avec le premier vers d’ « Alcools » : « A la fin tu es las de ce monde ancien »… Désormais c’est de prendre de vitesse les vieilles croyances qu’il s’agit et il accélère métaphoriquement pour produire le « Nu Descendant un Escalier ». 

    De là à établir que tout a été peint comme tout a été dit et que l’on a peut-être lu tous les livres il n’y a qu’un pas que l’artiste franchit allègrement en prenant encore de la distance, celle encore indépassable du ready-made…

    J’en étais là de mes réflexions lorsque, feuilletant un magazine, je croisais un article sur Richard MILLE dont les modèles ont toujours, je l’avoue, provoqué en moi comme une forme de… rejet !

    Il y était question notamment – photo à l’appui – du modèle RM 053 à la vue duquel mon sang ne fit évidemment qu’un tour… : qui peut bien acheter et, surtout, porter « ça » au poignet me demandais-je, certain – moi l’heureux propriétaire d’une Rolex référence 16233 (et celui, inconsolable, de références 5513 et 1675 trop vite revendues) – de détenir la formule définitive de l’élégance et du bon goût… ?! Et ça n’est pas la visite – pour en avoir le « cœur net » – du site internet de l’horloger en question qui allait me faire changer d’avis : RM 3501 ! RM 018 ! RM 057 !! Autant de modèles qui offraient à ma vue des raisons de dénigrer définitivement cette marque sauf à considérer qu’il y avait encore pire (de GRISOGONO, pour ne pas le nommer, étant incontestablement, l’un de ces « pire » mais en cherchant bien on en trouve sûrement beaucoup d’autres)… 

    Alors ? Quoi ? Suis-je l’équivalent contemporain de ce bourgeois qui, à partir de 1913, découvre avec horreur et stupéfaction qu’un prétendu artiste nomme « art » le détournement d’objets usuels tels qu’un urinoir ou une roue de bicyclette juchée sur un tabouret ?! Ne suis-je que ce commun des mortels, lequel, engoncé dans son confort intellectuel n’admet pas qu’on puisse chercher d’autres voies que celles qui lui sont données pour évidence ? 

    Alors, peut-être devrais-je considérer que Richard MILLE a pu penser que l’horlogerie de luxe commençait « à ressembler à un vieux chapeau » et, peut-être, dois-je lui reconnaître d’avoir fait sienne (en l’ignorant ?) l’idée chère à DUCHAMP que mécanique et corps sont liés ; de ce point de vue alors tout s’éclaire : l’incontestable innovation horlogère qui caractérise ses créations accompagne avec pertinence les performances toujours repoussées de mes contemporains. 

    Reste donc, pour moi, … à me (re) mettre au sport. 

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